Chine- 24 juin-23 juillet 2018
Notre arrivée en Chine a été déroutante à tout point de vue : c’est d'ailleurs une sensation qui nous restera tout au long de nos pérégrinations dans le pays.
Déjà, le passage de frontière symbolise à lui seul autant d'éléments qui définissent bien le pays :
- La grandeur : tout est immense, le hall, le portique qui scanne le bus à l'arrivée, les sinogrammes rouges "Zhongguo" (Chine, en pinying)
- La technologie : omniprésente. L'impression d'être le paquet de jambon déposé sur le tapis roulant d’une caissière d’Intermarché quand on nous scanne entièrement, puis ensuite d'être James Bond, le costume en moins, quand le garde frontière « decrypte » notre téléphone portable. On finira notre identification à l'aide d'homme-machine qui scanne nos passeports, prend nos empreintes et photos. Quand même homme car la personne nous demandera tout de même si on aime manger épicé.
- L'organisation : pas d'attente, tout est carré, délimité, compartimenté, sans faille.
- Le contrôle : les couteaux, briquets, ou tout autre matériel pouvant porter atteinte à la sécurité du territoire nous sont confisqués. Nous adressons nos adieux à nos Leatherman et Opinel après avoir désespérément négocié leur autorisation sur le territoire considérant qu'ils étaient tous deux « made in china".
- L'accueil : malgré toutes ces mesures coercitives, pas un seul de ces gardes frontières n’aura manqué de nous souhaiter un « Welcome to China".
Il faut dire que nous sommes entrés en Chine dans la province du Xinjiang , où de nombreux affrontements opposent régulièrement la minorité ouighoure, en grande partie musulmane, au gouvernement han. Les Ouighours ayant des velléités d'indépendance sévèrement réprimées par le gouvernement chinois qui a d'ailleurs opéré sur cette population quelques stratagèmes faisant échos à son voisin coréen : camps de rééducation chinois où passeront des centaines de milliers de Ouighours et Kazakhes, interdiction de l'utilisation de nombreux prénoms musulmans, du voile, de la barbe, martelage de l'idéologie communiste, obligation d'apprendre le mandarin,...
La province est sous haute surveillance : nous nous ferons contrôlés, photographiés, interrogés pas moins de 5 fois par jour lorsque nous sejournerons là bas. A Urumqi, sa capitale, des postes de police sont installés tous les 500 mètres. Les rues de chaque village y compris reculés sont équipés de caméra de surveillance. Les données biométriques, ADN,...sont reccueillies par l'Etat auprès des services de santé..
Nous assistons à une premiere démonstration de force du gouvernement dès l’arrivee a Takachikent, à la frontière : une première alarme retentit, tous les habitants sortent dans la rue en courant avec une batte de 2m de long a la main, et le drapeau chinois accroché au bras, quand les policiers bloquent les accès aux rues : nous osons fébrilement demander ce qui se passe à un passant qui semble observer la scene : il s'agit finalement d un entraînement quotidien de réaction en cas d'attaque.
Nous rejoignons Urumqi, capitale du Xinjiang (province la plus vaste de Chine, qui fait plus de 2 fois la taille de la France) , dès le lendemain.
A première vue, on aurait pu penser que nous aurions tout fait pour quitter cette capitale de 3millions d'habitants et son semblant de territoire sous occupation, mais c'est tout le contraire qui se passa : nous furent si bien accueillis dans cette ville où il fait si bon vivre, que nous y sommes restés plusieurs jours.
Arrivés à 7h du mat dans la ville, alors qu'on pensait se poser quelques minutes sur le banc d'un parc desert, c'est face à une foule de sportifs que nous sommes tombés, qui nous ont tous conviés à rejoindre le groupe pour pratiquer leur discipline favorite.
Nous avons été émerveillés par ces milliers de Chinois qui pratiquent, ensemble, une multitude de sports différents, en se retrouvant dans les parcs ou parfois meme sur un coin de rue, chaque matin avant d aller au travail et chaque soir, en guise d afterwork. Le reste du temps, c est le 3 ème âge qui remplit ces veritables havres de paix en prenant d'assaut les installations sportives.
Ça nous a tellement plu que nous avons ponctué notre sejour en Chine de plusieurs "séances découvertes"! Un excellent moyen par ailleurs de partager de bons moments malgré la barrière de la langue.
Tai Chi, diabolo sonore, calligraphie, chant, musculation, football chinois, majong, jeux de go, danses en tout genres, badminton, et bien sûr ping-pong !
Pour rajouter au charme de cette expérience, tous les parcs sont non seulement parfaitement entretenus mais composés de manière zen, avec ses incontournables temples, souvent au bord d un lac jonché de nénuphars, er qui abrite très souvent une maison de thé pour pouvoir se désaltérer après l'effort !
Si cette première découverte ne nous avait pas suffi pour succomber aux charmes de la Chine, il nous aura suffi de notre premier repas pour être pleinement conquis : après la Mongolie, source de tant de frustrations culinaires, la Chine fut pour nous une vraie libération !
Vous connaissez notre penchant pour les découvertes culinaires en voyage, et à ce niveau là, nous décidons aujourd’hui solennellement d’ériger la Chine comme première destination gastronomique ! Les Italiens n'ont qu’à bien se tenir, la Chine les surpasse tant sur la forme, la longueur, la texture et le goût de leurs multiples nouilles !
Si on exclut les quelques plats improbables sur lesquels on peut avoir décemment des réticences (pattes de poulet crues, brochettes de scolopandres et de scorpions, œufs pourris, et tant d'autres), tout ce que l'on mange en Chine est excellent.
Pour ajouter à cela, une vraie diversité dans les plats : nous n'avons jamais mangé la meme chose, pour autant chaque plat était succulent, quelque soit le bouiboui dans lequel on s’arrêtait !
On pourrait en rajouter une couche en disant que l'on mange pour moins de 2, mais ça en deviendrait indécent !
Bref, vous l'aurez compris a la lecture de ces précédents paragraphes, nous passons près d'une semaine à Urumqi où , en dehors de quelques visites, nous passons notre temps à faire du sport dans les parcs avec nos amis chinois et à nous délecter de leurs spécialités !
Apres s'être un peu égarés lors de cette semaine à Urumqi, on se rappelle que le but du voyage est quand même de marcher. Seul problème de taille : on nous aura bien fait comprendre que la région est difficile à appréhender tel que nous le faisons, c est à dire en marchant, campant, donc en autonomie complète (expression qui doit être la plus effrayante aux oreilles des autorités chinoises).
Nous décidons alors de faire un ptit détour sur notre parcours initial (3000kms au sud), pour aller explorer le Sichuan, son poivre (qui pique) et ses sommets (à pic).
La région abrite des centaines de sommets à plus de 7000m d'altitude, perchés sur le haut plateau tibétain, de quoi stimuler l’envie de tout randonneur qui se respecte !
Notre choix de destination se porte très vite sur Daocheng Yading, parc national symbolique car il accueille un monastère perché a plus de 5000m d'altitude, dont le circuit est tracé par les moines tibétains qui y cheminent.
Randonnée de puriste engagée, passage de cols étroits, dans un décor grandiose respirant l'immensite : on en bave d avance en montant dans le bus qui nous y amène.
Après 6h de voyage, on nous apprend que la veille, la région a soudainement été interdite aux étrangers ! Région peuplée majoritairement de tibétains, exercices militaires, bref, ne pas poser de questions…
Qu’à cela ne tienne, c est arrêtés à Kangding (ville de passage historique entre le Tibet et la Chine-2500m d altitude, qui ressemble bien plus à un Las Vegas des montagnes qu'à nos paisibles villages alpins) que nous planifions une excursion alternative.
Loin d’être un second choix, elle promet d être grandiose : direction le Minya Gongga, mont sacré pour les moines tibétains qui ont érigé un monastère aux pieds du glacier, sommet le plus haut du Sichuan culminant à 7556m…bref, un sommet « à voir » dont nous ferons le tour pendant plus d'une semaine....pour finalement ne jamais l'apercevoir !
Pourtant, on nous avait bien prévenus : sur chaque site d'info sur le Sichuan, il était bien mentionné que c'était la pleine saison des pluies…faut dire que c était difficile à concevoir quand on était à Urumqi sous 40°.
Au premier jour de marche, on se sentait bien fiers, seuls quelques cumulus à l'horizon…à la première goutte, nous étions déjà sous la tente, ça allait bien s’arrêter le lendemain matin !
On garde encore espoir la journee suivante pour finalement se faire une raison : ça ne s arrêtera pas de la journée, ni d’ailleurs des suivantes !
On finira la randonnée dans une gadoue et sous un orage apocalyptique, découvrant à la place d une plaine, un lac gigantesque où toute l’eau de la semaine s’était accumulée …
Mais soyons clairs, le temps ne nous a non seulement pas empêché de vivre une expédition extraordinaire, mais a en plus favorisé de nouvelles expériences.
On a notamment eu la chance d' expérimenter la reaction du corps à des altitudes aussi elevées : nous n'avions jamais franchi de cols à plus de 3500m, et étions curieux de confronter notre récit à ceux que nous ne connaissions que par les moults récits d'aventure.
Le passage de 3 cols à haute altitude (4950m-plus haut que le Mont Blanc, tout de même !-, 4650m et 4500m) auront été riches d’apprentissage : l’oxygène dans l'air se raréfiant, l’impression d'avoir la tete dans un etau, tout effort devient plus difficile à accomplir. On s'est surpris à avancer à 1km/h sur le premier col, tant nous peinions a mettre un pied devant l’autre.
La pluie nous aura encouragée à délaisser notre tente 2 nuits, au profit de modes d'hebergement peu plus secs.
Au détour d'un hameau, nous avons été chaleureusement accueillis chez une famille tibétaine d’éleveurs de yaks, qui nous a fait decouvrir ses méthodes des production de lait, de beurre, de fromages, et viande séchée. Nous avons dormi au coin du feu, bercés par le son incessant du magnétophone qui passait en boucle UNE prière bouddhiste...
Pour l'anecdote, nous avons presque regretté le thé salé mongol quand on nous a servi le thé tibetain : une tasse de thé dans laquelle trempait 50gr de beurre de yak, auquel nous avons dû ajouter 2 cuillères de farine de blé noir…absolument écoeurant, mais bénéfique contre le « mal des montagnes" nous a-t-on assuré…
Nous finirons le trek par une nuit logés dans le monastère, perché à 3900m d altitude, accueillis par les moines qui y vivent une vie on ne peut plus
rude…mais probablement très heureuse.
C'est dans ce dénuement que les moines meditent sur les clés pour se détacher de la souffrance humaine, en se détachant notamment de tout désir.
Réveillés à 6h par l’encens et les chants des moines, nous terminons le périple en compagnie d'un couple franco -chinois très sympas avec qui nous passerons les 2 jours suivants.
Le clou de l'aventure est atteint quand nous atteignons le petit village de Caoke d'où jaillissent des sources chaudes….quelle merveilleuse surprise !
Nous faisons étape a Chengdu, très belle capitale du Sichuan, et en profitons pour parcourir ses temples taoistes, son quartier tibétain, et ses quartiers traditionnels.







Si les transports prennent depuis le début une place de choix dans notre voyage, entre les traversées pedestres, la Chine est loin de déroger à la règle. Quand on trouvait que tout était grand, on aurait pu se douter que c’était aussi le cas du territoire, qui, à vue de nez, doit bien faire l’équivalent de l'Europe… Élément dont nous avons pris conscience un peu tard, après quelques dizaines d’heures passées dans le train. Les chinois sont très fiers de leur ligne à grande vitesse (400km/h), que parcourt un train futuriste dont l’intérieur a tout d'un avion de ligne. Ce train, nous l’emprunterons sur notre plus court trajet, soit 1h15. Nous lui avons préféré « le train vert » aussi rustique que convivial, qui nous accueillera sur ses hard seats (sièges durs en bon francais) qui portent très bien leur noms, pour les 33 heures du trajet Urumqi-Chengdu.
Pour combler au manque de place dans les lignes très fréquentées, la compagnie ferroviaire vend, en plus des places hard seats, des standing room, qui, comme leur nom l’indique, invitent le passager à rester debout toute la durée du voyage. Autant par curiosité que par nécessité (il n'y avait plus d'autres places disponibles), nous nous essayons à ce nouveau concept. Je ne sais pas si on devait s’attendre à autre chose : nous avons bien passé 12h de train pour Xi'an debout, au milieu des autres sièges, et de la quarantaine d'autres compagnons de fortune qui n'avaient pu décrocher le Graal, soit, en l'occurrence, une place assise dans un train. On vous assure que nous avons rivalisé de creativité en trouvant des techniques plus farfelues les unes que les autres pour reposer nos jambes ou tout simplement pour piquer un somme. On vous livre une astuce pour votre prochain Paris-lyon : n’hésitez pas à vous glisser sous le siège du carré de 4, allongé mais jambes repliées pour qu'elles n’empiètent pas sur le couloir (le chariot repas n'ayant aucun scrupule à rouler sur les membres qui dépassent). Tout compte fait, là dessous plus de place qu'on ne l'imagine, le sommeil se fesant même profond grâce à la sensation cocooning que procure le siège à quelques mètre de votre visage.
Nous arrivons à Xi'an, grande ville marquant le début de l'ancienne route de la Soie, qui nous séduira un peu moins, mais qui, atout de taille, possède un bar avec écran géant sur lequel nous pourrons voir la finale (On est les champions !).
Nous y visitons tout de même l’armée enterrée, passage obligatoire car patrimoine de l'UNESCO, qui nous laissera de marbre, même si elle est en terre cuite. Les faits en eux mêmes sont impressionnants (10 000 soldats reproduits à taille humaine en -200av JC, tous différents les uns des autres, une construction pharaonique déterrée il y a seulement 40ans), mais ce sont plutôt les 10000 voire 1000000 visiteurs chinois, munis d’autant de parapluies, suivant leur guide au pas de course, qui auront retenue notre attention.
Loin de nous l’idée de critiquer le phénomène, ce fut aussi abec grand intérêt que nous découvrons ce qui est parfois tant décrié, le tourisme de masse chinois. C'est peut être autant « à voir" que les lieux en eux-mêmes. Car c'est aussi ça, découvrir la Chine , se confronter à la plus grande classe moyenne mondiale avide de découvrir les merveilles de son propre pays. Sauf que 300 millions de visiteurs, il faut bien que ça s’organise !
Nous terminerons les aventures chinoises par 3 étapes dans le Xinjiang, en direction de la frontière.
L'occasion de découvrir la culture ouighoure , et ses trésors culturels.
Nous découvrons la cave aux 1000 bouddhas à Turfan sous 45°(ville la plus chaude de Chine, excellente idée donc de s'y rendre en juillet).
Difficile de quitter la Chine sans faire un tour sur sa grande muraille éponyme. Nous y ferons quelques pas sur le tronçon final, situé à Jiayuguan.
Finalement, nous ferons une dernière étape non loin de la frontière kazakhe, a Yining une petite bourgade à la croisée des cultures Kazakhes, Ouighoures et Han.
En définitive, le voyage en Chine ne se sera pas passé comme nous l'avions escompté. Plus qu'ailleurs nous avons été émerveillés quotidiennement d'une culture fondamentalement différente de la nôtre. Pour cette raison comme pour la présence policière, cela a considérablement modifié notre voyage : non seulement nous avons moins marché, mais nous avons aussi fait un détour de plusieurs milliers de kms du parcours initial, c'est dire si la Chine nous aura déroutés !
On aimerait partager encore tant d'autres histoires, mais probablement en avez-vous largement assez, alors on se contentera de quelques cocasseries qu'on a pas pu integrer au récit:
-Exigence scolaire : entre l adolescente qui passe les ¾ de ses grandes vacances à faire des devoirs donnés par ses profs; la petite fille qui, à 7 ans, a un anglais absolument parfait et envisage désormais de passer au français, en passant par l’étudiante hexalingue qui songe, apres son burn out,à ecrire un livre de coaching pour ses compatriotes afin de leur permettre de se poser les questions essentielles au bonheur ;et tant d'autres échanges avec des jeunes chinois, on sent bien que l'enfant unique reçoit des pressions importantes pour réussir.
-protection totale anti-UV : tant pour des aspects sanitaires qu'esthetique (le culte de la blancheur n'est pas un mythe), la majorité des Chinois portent, y compris sous 40°, des vestes à manches longues avec protection anti UV, mais aussi des parapluies voire des masques pour ne surtout pas etre atteints par le soleil ;
- Photos : vous avez toujours rêvé d'être une star? Que l'on se retourne sur votre passage? Qu'on chuchote votre arrivée, et qu'on vous arrête dans la rue pour faire des selfies ? Venez découvrir la Chine (surtout l’ouest chinois). Bon nombre de Chinois sont surpris et heureux de croiser un européen, or quand en Chine quelque chose retient notre attention, on le prend en photo. Boost d'ego garanti !
- Crachats : ce n est malheureusement pas un cliché, et nous en avons évité pas mal, de ces vilains mollards crachés à tout va !
-Massage chinois, ou comment payer pour se faire briser le dos en mille morceaux: