IRAN: 10 octobre-31 octobre 2018
En long, large et en travers: Mashad, Isfahan,Shiraz bandar Abbas, Ile d'Ormuz, Rasht, Qazvin, vallee d'Alamut, Téhéran
"Do you have a place to sleep tonight? "
C est la première phrase que Maha nous a prononcé pendant qu on dechargeait nos bagages du bus, à 22h. Nous n'avons pas le temps de repondre qu'il est deja en train d'appeler sa fiancée pour lui demander si elle peut nous accueillir. On restera 3 jours chez elle, avec eux 2, à decouvrir les merveilles de Shiraz, à cuisiner des plats iraniens ou encore à decouvrir les medecines alternatives que Maha pratique.
"Please, be my guest": il y a quelques jours, une voiture nous devance, nous arrête, ouvre les fenêtres pour nous lancer un : "please, be my guest tonight", nous sommes gênés, interloqués par une proposition qui précède une fois de plus toute logique de conversation classique. Le couple descend de la voiture, nous offre un thé à la cannelle sorti du coffre, quelques enormes et délicieuses dattes, et insiste encore une fois pour nous héberger le soir meme, nous faire à manger, nous faire une lessive, nous offrir une douche chaude, ...bref , en nous vendant absolument tout ce qu'ils pourraient nous offrir de mieux...nous passons la nuit et la soiree chez eux, et repartons qui plus est les mains chargés de cadeaux..
"Do you need some help?" Nous demande Saadar, professeur d'anglais a l universite d Esfahan alors qu'on cherchait notre direction dans le métro. 5 minutes plus tard, nous étions invités à venir déjeuner chez lui avec sa femme et ses 2 fils.
Ou encore par exemple cette autre fois où, un peu perdus, on s'arrête en plein milieu de la rue pour héler un taxi. Le gérant du magasin d'à côté sort pour nous aider : il commande d'abord un taxi sur son smartphone, puis attend avec nous, donne toutes les instructions au conducteur, puis paye pour nous la course en refusant catégoriquement que nous déboursions 1 centime !
Vous avez compris le principe?
Des histoires comme celles-ci, ont en aurait des dizaines à vous raconter : combien de voitures s'arrêtent chaque jour pour nous offrir un cadeau, combien d'invitations à venir manger, nous faire visiter la ville, nous accueillir, combien de personnes nous accompagnent pour trouver note chemin, commander au restaurant ou acheter un ticket de bus.
Est-ce de la gentillesse poussée à son paroxysme? Sûrement. On a beau en avoir fait des tonnes sur l'accueil reçu dans les autres pays visités, on doit bien avouer que rien n'arrive à la cheville de l'attitude bienveillante des Iraniens. Nous n'arrivons même pas à nous l'expliquer pleinement après un mois passé dans le pays : quelle est la part de culture, de religion, d'obligation, dans ce déferlement de bonté? Et l'on ne saurait non plus ignorer qu'accueillir un occidental est aussi parfois un trophée qu'on affiche auprès de ses amis, sa famille, sur les réseaux ou juste en photos.
C'est d'autant plus difficile à éclaircir qu'au milieu de ce comportement au grand coeur s'imbrique le "tarof", comportement typiquement iranien désignant le fait de se sacrifier à tout prix pour l'autre. Quand Fanny en fait des tonnes pour vous laisser la dernière part de gâteau, qu'elle vous explique à quel point c'est un honneur pour elle que vous, et personne d'autre, déguste ce dernier relicat de nourriture qu'il reste sur la table. Si vous ne le faites pas, elle en mourrait. En bien ça, c'est le tarof.
Maintenant imaginez 80 millions de Fanny repartis sur un territoire grand comme deux fois la France : vous êtes maintenant en Iran. Plus personne ne franchit le pas de la porte avant l'autre, les discussions sur "lequel mériterait plus de passer avant l'autre" s'éternisant à en créer des bouchons de 2km. Elle restera lontemps là, cette "last pièce of shame" d'un plat que personne ne veut finir de peur de priver l'autre. Vous voulez servir un verre d'eau à un Iranien? N'oubliez pas de proposer plusieurs fois, celui-ci refusant systèmatiquement vos premières propositions par pur "tarof".
Encore mieux : il est assez fréquent qu'après avoir fait vos courses, le vendeur vous fasse le signe que, pour vous, c'est gratuit. Ça l'offenserait que vous ayez à payer pour les marchandises de son magasin. Insistez un peu et les billets seront bien entendus cordialement acceptés. Ce qui donne parfois des situations quelques peu incongrues :
"Combien pour les madarines?"
- tu déconnes, c'est 3 fois plus cher que d'habitude
- ok donc 20 000 rials alors
Je tends le billet de 50 000
- ah non ne me donne pas d'argent, pour toi c'est gratuit
Je lui mets le billet dans la main, et le vendeur ne me rend pas la totalité monnaie.... Comme quoi on peut faire tarof et arnaquer les gens en même temps!
Bref, en dehors de cette anectode, il faut bien avouer que cette tradition a tout pour plaire aux voyageurs tant on se sent accueillis les bras ouverts. C'est même parfois un peu trop, on est souvent terriblement gênés par tant de générosité, et contraints de refuser moults propositions.
Une vraie leçon d'accueil.
Pourtant, les Iraniens auraient de quoi être aigris d'un quotidien si lourd, d'espace de liberté si faible..
Ce constat/cette opinion ne peut bien sûr pas être généralisé, il y a bien entendu des personnes qui souscrivent à la politique gouvernementale.
Notre microscopique expérience nous a laissé entrevoir ce ras-le-bol chez la majorité des personnes rencontrées, que l'on vous partage tel que nous l'avons perçu.
La majorite des jeunes que nous avons rencontré, qu ils soient croyants ou non, en a ras-le-bol! Ras-le-bol des bus separés par une barriere où les femmes sont derrière et les hommes a l avant, des plages murées pour separer les hommes des femmes, du hijab obligatoire, de devoir porter le deuil des martyrs, qu'il soit interdit d avoir un petit ami, de fréquenter un homme qui ne soit ni un frère, ni un père ni son mari, que l expression de ses opinions soit reprimee quand elle est contradictoire, que toute sorte de media etranger ou contestataire soit interdit, .... et que pour veiller a cela, la police des moeurs est partout, bien souvent en civil d ailleurs, au point d instaurer un climat de mefiance vis a vis de ses concitoyens. Pour reprendre l expression de Leia, que nous avons rencontrée a Zanjan, quand on lui a demandé pourquoi tel jour etait férié, elle nous a lancé un :"oh, y en a encore un qui est mort y'a 2000ans pour lequel on est obligés de pleurer"...
Il ne faut pas oublier que la religion est un sujet central dans la societe iranienne. Loin d'être cantonnée à la sphère privée, elle s'est immiscee dans la sphère politique pour finir par s'imposer après la révolution islamique de 79. Pour autant, peu de gens vivent le chiisme à la manière dont le guide suprême-l Imam Khamenei- l instrumentalise pour asseoir son pouvoir politique. Cela ne veut pas dire que les gens ne sont pas pieux, nous avons rencontré beaucoup de personnes très croyantes, mais qui par ailleurs critiquent l utilisation de la religion comme couperet de libertés individuelles.
Nombre d'Iraniens que nous avons rencontré prend alors des risques pour dépasser les interdictions: tous les produits illégaux sont vendus au marché noir, mais souvent de mauvaise qualité (plusieurs cas d'empoisonnement à l'alcool frelaté par exemple), des médecins confient pratiquer des avortements à la tombee de la nuit, quand les services hospitaliers sont vides, les jeunes, interdits d'écouter de la techno, organisent des raves en plein désert, les films etrangers sont vendus sous le manteau, et tant d'autres personnes sont contraintes de se réfugier dans un tiers pays pour pouvoir y "penser" librement.
Entre la chaleur de l'accueil et le rapport au religieux assez decontenançant, on peut dire que la representation occidentale -ou médiatique- de l'Iran s est retrouvée foncièrement chamboulée.
Fait d'ailleurs assez cocasse, nombreux sont les Iraniens conscients de l'image négative de l'Iran en Occident-d'autant plus que nous y sommes en plein contexte d'instauration de nouvelles sanctions americaines-. Ils s'assurent alors que nous véhiculerons "chez nous" une autre image de leur pays, en appuyant sur la distinction entre le comportement des Iraniens de celui de leur gouvernement...
Au vu de ces expériences humaines extraordinaires, on a eu plus de mal à s'exiler dans les montagnes.
Voici les photos de nos découvertes iraniennes:
Première étape à Mashad, à l'est du pays, pour une plongee dans l'Islam chiite. La ville est un lieu de pèlerinage majeur des Chiites. Le mausolée de l'Imam Hussein peut accueillir plus de 20millions de pèlerins en même temps..
Au bazaar de Mashad : tchador noir ou tchador noir?
4h passées à deambuler dans ce lieu culte qui s'etale sur plusieurs km2, plongés dans l'histoire et les préceptes de l' Islam chiite conté par un Mollah passionnés et passionnant qui a répondu à chacune de nos questions.
Dans le musée du lieu de pèlerinage, une statue particulièrement cocasse puisque représentant la recherche nucléaire....civile, bien entendu!
Le look grosse patate avec mon tchador façon liberty:
Découverte d'Isfahan, ses ponts anciens, ses mosquées, son bazar interminable, ses caravanserails et surtout l'Imam square en son centre qui serait la plus grande du monde.. de toute beaute!
Repas avec Saadar, enseignant à l'université théologique, son épouse tisserande de splendides tapis orientaux et leurs 2 garçons:
Découverte de la cuisine iranienne aux 1000 saveurs: aubergines, epices, kebabs, fruits délicieux, le tout accompagné de riz au safran cuit de 10 facons differentes, il n'y a pas à dire, l'Iran est une véritable destination culinaire:
Accueillis chez Maha et Fatima, à Shiraz, avec au programme leçon de maquillage à l'orientale, visite du mausolee du celebre poete Hafez, à deambuler dans le splendide jardin perse qui l entoure, rempli de fleurs exotiques et d orangers, où les Iraniens se rendent en famille ou entre amis pour lire ensemble les poèmes de l'auteur... ils nous ont aussi appris l'equilibre alilentaire à l'iranienne: ici, les repas doivent etre composes de facon équilibrée entre les aliments dits "froids" et les aliments dits "chauds". Nous ne sommes pas parvenus à faire un quelconque parallèle avec les critères nutritionnistes que nous connaissons..
Ni la quantité de crêpes, de legumes farcis "à la provencale" ni les quiches ne parviendront à les remercier de leur accueil inconditionnel:
Decouverte d'une mosquée, cette fois toute rose:
Et bien sûr de Persepolis, cité millénaire qui porte encore aujourdhui les vestiges bien conservés qui rendent encore compte de sa grandeur d'antan(meme Alexandre Le Grand-son principal destructeur-aurait avoué regretté d'avoir brûlé une oeuvre pareille...c est dire!):
Nous décidons ensuite d'aller prendre un brin de chaleur, de soleil et de mer en s'exilant sur l'Ile d'Ormuz, au coeur du détroit qui porte le meme nom, dans le golfe persique, avant d affronter l hiver....on peut vous dire qu'on a pas été déçus des 40° qu il y faisait ni des 30° de température de l'eau.. l'air y était à peine respirable.. mais l'île était d'une beaute sans nom...complètement sauvage, aux paysages uniques, des montagnes rouges, oranges,blanches,...du jamais vu!
Remontée vers le Nord, à Qazvin puis dans la Vallee d' Alamut, où nous avons randonné plusieurs jours pour traverser les montagnes de l alborz jusqu'à la mer Caspienne, si douce et si peu salée .
Nous ne raterons pas le fameux "chateau de assassins", du nom de la meme secte, la plus dangereuse au monde, puisque ses disciples pratiquaient des assassinats ciblés sans crainte d'etre exécutés en retour: une place leur etant promise au paradis par leur gourou, Hassan Sabah.
Arrivee majestrale sur la mer caspienne, après les passages de cols ardus et gelés à plus de 3300m, sans parler des redescentes a pic qui nous ont valu quelques seances d'escalade:
Découverte de la belle ville Rasht, point etape pour aller se balader sur les toits en terre cuite des maisons du village de Masouleh:
Les affiches du feu Imam Khomeini et du guide suprême actuel l'Imam Khameinei sont brandies dans chaque ville, chaque magasin, chaque mosquée,...bref, à chaque coin de rue :
Arrivee a Teheran que nous decouvrons avec Mahsa et son mari Mohammed Ali, rencontrés à Mashad 2 semaines auparavant, alors qu'ils étaient en pèlerinage:
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